

Vietnam: parade géante pour les 50 ans de la chute de Saïgon
Le Vietnam célèbre mercredi en grande pompe les 50 ans de la chute de Saïgon, qui avait marqué la réunification du pays sous l'égide du Parti communiste, en présence, pour la première fois, de soldats chinois.
La parade militaire a commencé dans la matinée à Ho Chi Minh-Ville, l'ancienne Saïgon, avec en tête de cortège un char portant le portrait du leader révolutionnaire Ho Chi Minh, survolé par des avions de chasse et des d'hélicoptères traînant des drapeaux, selon la télévision d'Etat.
Plus de 13.000 personnes participent au défilé dans cette cité ou le Sud pro-américain a acté sa reddition le 30 avril 1979, au terme de l'un des épisodes les plus marquants de la Guerre froide.
"On va passer du bon temps", a anticipé auprès de l'AFP Tran Hoang Yen, une Saïgonaise de 22 ans, en posant en robe traditionnelle devant le palais de l'Indépendance, qui servait de résidence au président du Sud-Vietnam. "Ca n'arrive qu'une fois dans la vie".
Depuis plusieurs jours, une ambiance festive a gagné la mégapole, où flotte une myriade de drapeaux, dont celui, rouge et bleu, frappé d'une étoile dorée, de l'armée Viet Cong.
Le 30 avril est célébré comme étant "le jour de la réunification" par le Parti communiste, dont le secrétaire général a diffusé dimanche un rare appel à la réconciliation.
To Lam, considéré comme le dirigeant le plus puissant du Vietnam, espère que le pays se débarrassera de "la haine, de l'esprit de séparation ou de division" afin d'éviter aux jeunes générations la guerre, a-t-il écrit dans un article paru dans le portail d'informations du gouvernement.
- Amnisties -
Le gouvernement va libérer à partir de jeudi 8.000 prisonniers pour marquer l'événement, mais aucun militant politique, dans un contexte de répression accrue de toute voix critique du pouvoir, selon les organisations de défense des droits.
"Je ne ressens plus de haine pour ceux qui étaient de l'autre côté. Nous devons nous donner la main pour célébrer la fin de la guerre", assure Tran Van Truong, un ancien combattant de 75 ans, venu de Hanoï.
Le conflit a fait des millions de morts côté vietnamien dont de nombreux civils tués dans des bombardements. Des centaines de milliers d'autres ont été blessés, dont de nombreux intoxiqués par l'"agent orange", herbicide contenant de la dioxine qui avait été pulvérisé par les Américains sur de vastes étendues du pays.
Côté américain, quelque 58.000 soldats ont trouvé la mort. La guerre du Vietnam reste pour Washington la première grande défaite d'une superpuissance qui se pensait imbattable.
Pendant longtemps, cette victoire a servi de fondement pour légitimer la mainmise au pouvoir du Parti communiste, avant que son autorité ne devienne liée à la croissance économique et à l'amélioration du niveau de vie.
Pour la première fois, Hanoï a invité plus de 300 soldats, venus des trois pays qui partagent une frontière terrestre avec le Vietnam, -- la Chine, le Laos et le Cambodge -- à se joindre au défilé.
Pékin a soutenu le Vietnam du Nord durant la guerre, mais les deux pays se sont opposés en 1979 dans un bref conflit frontalier. Depuis, des différends liés à des îlots en mer de Chine méridionale restent comme des pierres dans le jardin de leur histoire commune.
- "Reconnaissance" -
"Je pense que Hanoï signale à la Chine sa reconnaissance pour sa contribution historique", explique Zach Abuza, professeur au National War College à Washington.
"C'est aussi une autre manière pour eux de dire: +Ne pensez pas que notre politique étrangère penche vers les Américains. Nous sommes indépendants et neutres", poursuit-il.
Selon les médias d'Etat vietnamiens, plus de 300.000 soldats chinois ont participé à la guerre du Vietnam, apportant un soutien crucial à la défense antiaérienne, à la logistique et au ravitaillement.
Le défilé tombe également deux semaines après la visite à Hanoï du président chinois Xi Jinping, dans un contexte d'offensive protectionniste américaine qui menace la croissance de ces deux pays dépendants des exportations.
Le Vietnam veille à entretenir de bonnes relations avec la Chine et les Etats-Unis, afin de maximiser ses intérêts commerciaux, dans la lignée de sa "diplomatie du bambou".
Dans un pays où une majorité de la population est née après la guerre, un certain enthousiasme semblait circuler sur les réseaux sociaux et les médias, complètement contrôlés par le pouvoir.
"Je pense que beaucoup de jeunes sont très impatients à l'idée de sortir et de voir de très beaux jeunes soldats et de très belles femmes qui sont dans l'armée", a estimé Vu Minh Hoang, professeur d'histoire et d'études vietnamiennes à l'université Fulbright, à Ho Chi Minh-Ville.
M.Keller--BP