

Joseph Kabila, l'ex-président solitaire de retour en RDC
Taiseux et expert dans l'art de manier le secret, l'ex-président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, de retour via Goma contrôlée par le groupe armé M23 dans le vaste pays d'Afrique centrale qu'il avait quitté fin 2023, gêne le régime de Kinshasa.
Fils de Laurent-Désiré Kabila, rebelle ayant fait tomber le dictateur Mobutu Sese Seko, Joseph Kabila, 53 ans, avait hérité du pouvoir en 2001 par succession de type monarchique après l'assassinat de son père en janvier de la même année.
"Avec sa voix timide et sa jeunesse (il n'avait alors que 29 ans), il donnait l'impression, au début d'être un personnage falot", écrit l'historien belge David Van Reybrouck dans un ouvrage de référence sur le Congo.
En 2019 au terme de deux mandats, Joseph Kabila quitte le pouvoir en laissant la place à l'actuel président Félix Tshisekedi et avec le statut de sénateur à vie ainsi qu'une immunité parlementaire.
Après des années de silence, il est réapparu jeudi à Goma, ville sous contrôle du groupe armé antigouvernemental M23, souriant, même silhouette carrée, son habituelle barbe en moins. Quelques jours auparavant, l'ex-président qui jouit encore d'un important réseau d'influence, avait déclaré dans une rare allocution en ligne que "la dictature doit prendre fin" en RDC et qu'il est prêt à "jouer sa partition".
Ce retour annoncé avait inquiété Kinshasa ces dernières semaines, dans un contexte d'instabilité liée à l'intensification du conflit dans l'est du pays. Sur injonction du gouvernement, l'immunité de Joseph Kabila a été récemment levée, ouvrant la voie à des poursuites devant un tribunal militaire pour complicité avec le M23.
Né le 4 juin 1971 dans le maquis de Laurent-Désiré Kabila au Sud-Kivu, le jeune Joseph connaît l'exil à 5 ans. Il passe presque toute sa jeunesse en Tanzanie avant de rejoindre son père en septembre 1996 lorsqu'éclate la première guerre du Congo.
Il part en Chine pour une formation militaire mais rentre précipitamment au début de la deuxième guerre du Congo en 1998 et rejoint l'armée.
A la mort de son père, Joseph Kabila hérite d'un pays exsangue, déchiré par une guerre terrible entamée en 1998 et qui ne prendra fin qu'en 2003. Le pouvoir central ne contrôle alors guère qu'une partie de l'ouest et du sud de la RDC, qui fait partie des pays les plus pauvres de la planète malgré d'immenses ressources naturelles.
- "un homme de l'Est"-
Joseph Kabila parle l'anglais et le swahili (langue de l'Est africain), ne s'exprime pas aisément en français, langue officielle en RDC, et ne maîtrise pas le lingala, parlé à Kinshasa.
Cette lacune linguistique, sa naissance dans l'est de la RDC et son enfance en Tanzanie le font percevoir par les habitants de la capitale comme "un homme de l'Est", un "étranger".
Peu à peu cependant, son habileté politique surprend les diplomates étrangers qui le considéraient comme un pantin aux mains de la vieille garde de son père, dont il s'affranchit progressivement.
Après une transition politique post-conflit difficile où il doit cohabiter avec quatre vice-présidents, il est conforté à la présidence par les urnes en 2006 à l'issue des premières élections libres du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960.
L'état de grâce ne durera pas longtemps et, en 2011, à l'issue d'élections marquées par des irrégularités massives, M. Kabila remporte un deuxième mandat, avec une majorité relative. À Kinshasa, mégapole bouillante de près de 17 millions d'habitants qui ne l'a jamais vraiment aimé, le chef de l'Etat sortant ne réunit que 16,5 % des suffrages exprimés.
Sa victoire, non reconnue par la majeure partie de l'opposition, plonge le Congo dans la crise politique. Et en 2015, un projet de modification de la loi électorale pouvant permettre à Joseph Kabila de se maintenir au-delà de la limite constitutionnelle de deux mandats provoque des manifestations. Les violences font des dizaines de morts et Joseph Kabila n'est finalement pas candidat en 2018.
Solitaire et secret même pour ses proches, M. Kabila apparaît peu à l'aise dans les cérémonies officielles et semble n'être jamais aussi heureux que lorsqu'il conduit des tracteurs ou engins de chantiers à l'occasion d'inaugurations.
Peu porté sur la littérature, selon un diplomate qui l'a rencontré à plusieurs reprises, il passe pour être plutôt amateur de jeux vidéo et de voitures. Il est marié et a deux enfants.
M.Ritter--BP