

La bonne étoile tchèque de Kitaguchi, star japonaise du javelot
Elle ne maîtrise pas encore le tchèque mais a adopté les spécialités nationales, la bière et le goulach: la Japonaise Haruka Kitaguchi, championne olympique en titre du lancer de javelot, se sent désormais chez elle en Tchéquie.
A un mois des Championnats du monde d'athlétisme à Tokyo (13-21 septembre), elle s'entraîne dur dans un coin reculé de ce pays d'Europe centrale qui compte plusieurs légendes de la discipline.
Cela fait déjà plusieurs années qu'elle a posé ses valises à Domazlice, jolie ville historique de l'ouest, à la frontière avec l'Allemagne.
"Je peux mieux me concentrer ici. Et le climat est plus agréable qu'au Japon, où il fait trop chaud pour moi", explique à l'AFP la jeune femme de 27 ans, après avoir enchaîné courses et étirements.
Véritable star dans son archipel natal, elle est devenue l'égérie des Mondiaux, son visage s'affichant sur de grands panneaux. "C'est fou", dit-elle, "impatiente" d'y être et d'effacer la déception des JO de Tokyo où elle avait fini dernière de la finale en 2021.
"J'espère pouvoir donner le meilleur de moi-même avec le soutien du public. Ce sera un souvenir inoubliable pour moi", s'enthousiasme-t-elle.
- "Pensées stupides" -
En lice mercredi au meeting de Lausanne puis à Zurich à la fin du mois, Haruka Kitaguchi fera ensuite halte en Turquie pour peaufiner sa préparation avant le rendez-vous japonais.
Son état de forme est incertain: elle pointe au sixième rang du classement mondial cette saison avec un lancer à 64,63 mètres.
Son entraîneur, David Sekerak, évoque ses difficultés à vivre sa nouvelle célébrité. A cause de "ces pensées stupides (...) on a bien perdu une année, mais elle va bien maintenant", assure-t-il.
C'est lui qui l'a convaincue de s'installer en Tchéquie, après l'avoir rencontrée lors d'un séminaire de formation en Finlande en 2018.
Il savait qu'elle avait remporté les championnats du monde juniors trois ans plus tôt. "J'ai pu constater son gabarit imposant", du haut de son 1,79 m, et déceler "quelque chose de spécial en elle", souligne-t-il, saluant son autodiscipline.
L'athlète nippone ne regrette pas son choix.
Lors de son premier séjour en Tchéquie, elle s'est entraînée aux côtés de son "idole", Barbora Spotakova, double médaillée olympique et détentrice du record du monde depuis 2008 (72,28 m). "Une belle expérience", se souvient-elle.
Depuis, elle a conquis la couronne mondiale en 2023 à Budapest et l'or aux Jeux de Paris l'an dernier, ainsi que deux titres de la Ligue de diamant.
A son retour des Jeux, Domazlice l'avait accueillie avec les honneurs et un groupe local de cornemuse, dans une ambiance festive.
- Objectif 70 mètres -
Mêlant anglais et tchèque, Haruka Kitaguchi dit apprécier la méthode de David Sekerak, qui a su selon elle trouver "le bon équilibre" à l'entraînement et la pousse à lancer toujours plus loin.
"A chaque compétition, il se tient derrière moi pour m'encourager. C'est un soutien moral formidable", ajoute-t-elle.
Et pour relâcher la pression, il n'hésite pas à l'amener déguster une Pilsner ou des plats traditionnels tchèques.
Toujours dans la bonne humeur: "Ma mère me dit que c'est la clé du succès!", lâche la championne, éternel sourire aux lèvres, alors que celle-ci l'a accompagnée en Tchéquie avec un kiné et un cuisinier.
Son appartement se trouve dans un bâtiment en partie rénové par Sekerak, dont la femme tient un hôtel sur place.
Une ambiance familiale donc et des javelots fabriqués sur mesure par son coach. Le sien s'appelle Giant Baby, en référence à son surnom sur Instagram.
La Japonaise, dont le record personnel est de 67,38 m, établi en 2023, rêve de dépasser les 70 mètres, "l'objectif de (sa) vie".
Pour son entraîneur, elle a même le potentiel de battre la marque mondiale de Barbora Spotakova.
L'occasion de perpétuer la légende tchèque.
K.Wolf--BP